Selon un récent décompte, il y aurait 2.400 demandeurs d’asiles laissés sans solution de logement par fedasil, l’organe en charge de l’accueil en Belgique. 8000 places d’accueil ont été créées dans 14 centres mais cela n’a pas suffi à absorber la demande.
Si les places sont attribuées en priorité aux femmes, enfants et mineurs non accompagnés, il n’en reste pas moins que certains se retrouvent malgré tout sans solution.
Dans cet article nous nous attardons sur les violences infligées aux femmes migrantes : lors de leur parcours ou même une fois arrivées chez nous.
Les violences sont une des conséquences des politiques anti-migratoires.
Le CIRɹ a recueilli le témoignage de Elsa Tyszler, chercheuse au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA). Spécialiste des violences, notamment sexuelles, que subissent les femmes sur les routes migratoires et aux frontières, elle souligne le caractère massif et structurel de ces violences, de même que leur enracinement dans les politiques anti-migratoires.
Au cours des huit dernières années elle a mené des enquêtes à la frontière franco-espagnole mais aussi franco-italienne. Selon elle il apparaît clairement que les violences, en particulier sexuelles, que vivent ces femmes sont l’une des conséquences des politiques qui entravent leur liberté de mouvement et les bloquent des mois, des années, dans des zones d’impunité totale, où celles-ci se trouvent tributaires des hommes qui sont au contrôle de ces lieux de blocage et de passage.
Si ces femmes pouvaient décrocher un visa et arriver tranquillement par bateau ou par avion, elles ne vivraient pas toutes ces violences. Ces violences envers les femmes sont donc aussi des violences politiques. On pourrait penser que ce sont des hommes migrants eux-mêmes qui sont auteurs de ces violences. Or, même si ça peut arriver, celles-ci sont très souvent commises par des hommes en uniforme, des agents qui mettent en œuvre le contrôle migratoire, un contrôle genré et sexualisé. Ces violences commises par les passeurs, en totale impunité, sur les lieux de passage clandestin, n’existent que parce qu’il n’y a pas de droit effectif à la liberté de circulation et à la demande d’asile.
Ces violences sexuelles produisent aussi des grossesses en masse. À la frontière franco-espagnole, Elsa Tysler dit
avoir rencontré beaucoup de femmes enceintes suite à des viols.
« Ces grossesses difficiles, ce sont aussi des
accouchements difficiles dans les espaces frontières, dans des conditions terribles. Il y a ensuite des maternités
difficiles, des enfances difficiles et des traumas qui peuvent se retrouver sur plusieurs générations. »
En Belgique, des femmes sans-papiers victimes de violences conjugales
Des femmes jeunes arrivent en Belgique avec l’espoir de fonder un foyer et de vivre dans un pays de droits, d’émancipation et qui n’est pas violent envers les femmes. Leur partenaire, parfois originaire de leur pays, mais le plus souvent Belge, rencontré chez elles ou sur un site de rencontres, leur a fait miroiter une romance doublée d’une belle vie de liberté. En cas de violences conjugales, les femmes migrantes arrivées en Belgique par regroupement familial se retrouvent souvent dans une situation inextricable, où il leur faut choisir entre un partenaire qui cherche à les soumettre et la menace d’une expulsion.
Depuis 2013, le collectif ESPER² réunit et vient en aide à des épouses migrantes victimes de violences conjugales. Pour obtenir leur carte de séjour via regroupement familial, les femmes doivent rester avec leur partenaire durant 5 ans.
Cette violence liée au regroupement familial existe bel et bien aujourd’hui en dépit de la loi qui garantit normalement qu’une victime de violences conjugales puisse conserver son titre de séjour, même si l’union dure depuis moins de cinq ans. Car elle doit pour cela apporter les preuves de ces violences (photos, certificat médical…) à l'Office des étrangers, qui en jugera. Et que dans les faits, très peu de ces femmes en situation de grande vulnérabilité sont en mesure de porter plainte : leur radiation intervient sans autre forme de procès. Selon Yamina Zaazaa, co-directrice du Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales (CPVCF) à Bruxelles et coordinatrice d’ESPER, on est alors dans une forme de « double violence », où la violence institutionnelle s’ajoute à celle du partenaire.
« Souvent, ces femmes ne connaissent pas le pays, pas la langue, donc toutes les procédures sont déjà très difficiles. Quand elles épousent des partenaires violents, ils vont utiliser la dépendance administrative dans le mécanisme d’emprise, tout comme ils peuvent utiliser la dépendance économique, affective… Les auteurs de violences comprennent très vite que dans leur situation, le contrôle passe par là ».
Bien souvent le retour au pays est impensable pour ces femmes qui ont tout quitté et qui bien souvent pensaient pourvoir venir en aide à leur famille restée au pays.
Un dispositif d’accueil d’urgence exclusivement féminin de la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés : la Sister’s House.
Il s’agit d’un lieu sécurisé, pensé pour et par les femmes, dont le lieu est tenu secret. Les femmes peuvent s’y
reposer en attendant de reprendre la route ou de demander une protection internationale à l’état belge.
Si à l’origine seules des bénévoles faisaient fonctionner cette structure, celle-ci est reconnue comme centre
d’hébergement non-mixte depuis juin 2021 par la Région Bruxelloise, ce qui a permis d’engager diverses personnes.
Quoi qu’il en soit, même si cette initiative a le mérite d’exister, elle ne solutionnera pas à elle seule les problèmes rencontrés par les femmes migrantes.
La Belgique, déjà condamnée à plusieurs reprises par la cour européenne des droits de l’homme doit mettre en
œuvre un accueil plus juste comme cela a déjà pu être fait par le passé.
1.
Créée en 1954, l’asbl CIRÉ (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers) défend les droits des personnes exilées, avec
ou sans titre de séjour depuis plus de 65 ans.
2. ESPER -
Épouses Sans Papiers En Résistance